Buter sur un objet non identifié en plein forage au microtunnelier : quand la force de l’expérience permet d’éviter le pire !

En été 2021, le groupement Eiffage / Atlas Fondation / HP BTP attaque la phase majeure d’un chantier jouxtant la mairie de Massy : le forage horizontal par microtunnelier.

Accumulant les points d’attention – déblais pollués, nappe phréatique, géologie complexe, profondeur des puits, proximité voie SNCF, délais extrêmement serré – ce chantier se déroulait pourtant très bien jusqu’à la rencontre choc de la tête excavatrice avec un objet métallique non identifié, à 100m du puit de départ et 30m de l’arrivée.

Un choc inattendu qui, en plus d’endommager le tunnelier, va carrément le retourner, faisant perdre la cible du guidage laser et empêchant la bonne poursuite du forage. 

Explications et témoignages par ceux qui ont vécu – et vaincu – ce moment délicat.

Comment les équipes vont-elles arriver à leur fin sur ce chantier ? Vous le saurez en lisant notre article ci-dessous 👇

CE QU’IL FAUT SAVOIR

Le casting

de notre success story comprend, dans les rôles principaux :
✔️ Paris Saclay Communauté d’Agglomération et la Marie de MASSY (91) à la maîtrise d’ouvrage
✔️ SEGIC Ingénierie à la maîtrise d’œuvre
✔️ Atlas Fondation pour la création et le terrassement des puits de travail
✔️ Eiffage pour la mise en œuvre du microtunnelier et l’ensemble des raccordements
✔️ HP PTB en cotraitance avec Eiffage pour les travaux en tranchée ouverte

Sans oublier FSTT (France Sans Tranchée Technologies) dans le soutien moral de ce beau chantier 😇

Le contexte

Le site de l’hôtel de ville de Massy s’inscrit dans le cadre des travaux préparatoires de la société du Grand Paris (SGP) en vue de la construction de la future ligne 18 du métro, prévue à l’horizon 2027. Ce projet de métro automatique de 35 km assurera la liaison entre l’Aéroport d’Orly et Versailles Chantiers, reliant entre eux les principaux pôles urbains existants et le plateau de Saclay.

A la réalisation des nouvelles gares s’ajoute la création d’ouvrages de service dits ouvrages annexes, nécessaires au bon fonctionnement de la ligne. Ces ouvrages, répartis le long du tracé, permettent l’accès des services de secours, la ventilation de l’ensemble des ouvrages souterrains, la récupération et l’évacuation des eaux d’infiltration et l’alimentation en électricité.

Ainsi, tandis que le tracé de la ligne 18 est projeté sous la rue de la Division Leclerc, un ouvrage annexe nommé « OA10 » est projeté sous le parking de l’hôtel de Ville de la commune de Massy. Or, ce site contient un véritable nœud de canalisations par lequel transite une large partie des toutes les eaux usées de l’agglomération.

Le chantier

Ainsi s’avère-t-il nécessaire de libérer le sous-sol – au droit du parking visiteurs de l’Hôtel de Ville – de tous réseaux concessionnaires. Le dévoiement des réseaux d’assainissent communaux revient donc à la communauté d’agglomération Paris Saclay, avec des aménagements à effectuer rue Division Leclerc et Avenue du Général de Gaulle, incluant la création d’un réseau d’eau usées en microtunnelier.

Ce forage permettra l’installation d’une canalisation en plastique à renfort de verre (PRV) de 131,2 mètres linéaires sur l’Avenue du Général de Gaulle, nécessitant la création d’un puits d’entrée et d’un puits de sortie respectivement de part et d’autre du carrefour avec la rue de la Division Leclerc.

Un chantier divisé en 7 phases dont la réalisation s’étale sur 12 mois, d’avril 2021 à avril 2022.
La partie sans tranché ouverte – création des puits de travail en pieux sécants et passage du microtunnelier – s’est déroulée entre mai et septembre 2021.

Mise en place du microtunnelier Sonia à Massy par Eiffage Génie Civil, été 2021
Mise en place du microtunnelier Sonia à Massy par Eiffage Génie Civil, été 2021
Installation du microtunnelier - Descente dans le puit d'entrée à l'aide d'une grue.
Installation du microtunnelier Sonia Eiffage Genie Civil à Massy - Emprise réduite
On remarque sur cette photo du puit de départ l’emprise particulièrement réduite du chantier, installé tout en longueur.

Un espace cumulant les contraintes !

Dès le début, le cahier des charges de ce chantier de dévoiement des réseaux d’eau usées s’est avéré particulièrement audacieux, en regard des contraintes du terrain (et du calendrier) :

📌 Maintien de la circulation :
Les études de trafic ont montré qu’il n’était pas possible d’envisager la fermeture des voies de circulation : une voie de circulation sur chacune des rues doit être maintenue.

📌 Le délai des travaux :
S’agissant d’un chantier préparatoire à un ouvrage annexe de la future ligne 18, le délais s’avère serré et incompressible : le dévoiement des réseaux doit être terminé pour janvier 2022 au plus tard (seuls la réfection des voiries et trottoirs peut être envisagé après cette date).

📌 Emprise au sol réduite :

Les 2 rues concernées sont étroites, d’autant plus avec la voie de circulation devant être maintenue. Il reste donc peu de place pour installer la base vie, le dessableur, la centrifugeuse ou encore le bac de décantation.

📌 Profondeur des réseaux d’eaux usées :
Une contrainte supplémentaire puisque certains apparaissent à plus de 5 mètres de profondeur !

📌 Continuité de service :
Compte tenu de la taille du bassin versant de collecte, la continuité de service doit être garantie. Ainsi la conduite dévoyée doit être posée tout en
maintenant le fonctionnement actuel du réseau, notamment grâce à la mise en place de busages ou d’unités de pompage.

📌 Aspects hydrogéologiques :
Les études hydrogéologiques ont montré la présence d’une nappe phréatique nécessitant la mise en place d’un épuisement des fouilles, donc d’un dossier de déclaration Loi sur l’Eau engageant lui-même des contraintes spécifiques complémentaires à respecter.

📌 Contrainte SNCF :
La présence d’un pont et talus SNCF/RATP à proximité de l’emprise de travaux, traversant la rue de la Division Leclerc a impliqué la création d’un dossier de conception spécifique afin d’obtenir l’autorisation de réaliser des travaux à proximité des voies. Une pression supplémentaire sur la calendrier, les délais de réponse de la SNCF pouvant être atteindre 6 mois !

Les points d’attention spécifiques

Les différents intervenants du chantier nous détaillent les enjeux techniques de ce chantier en regard des différentes contraintes.

Le choix du microtunnelier

C’est en regard des contraintes évoquées plus haut, et particulièrement de la profondeur à atteindre, de la présence d’une nappe phréatique et du nécessaire maintien de la circulation que le choix de Paris Saclay s’est porté sur le microtunnelier pour la création d’une nouvelle canalisation de dévoiement des réseaux d’assainissement.

Sur ce chantier, Eiffage Génie Civil s’est équipé d’un microtunnelier Herrenknecht, baptisé Sonia.

Les puits de départ et d’arrivée, d’un diamètre de 3,70m et d’une profondeur de 8m50 et de 6m50, ont été réalisés en pieux sécants par l’entreprise Atlas Fondations. Un choix qui s’est imposé à cause de la présence de la nappe phréatique. Sur ce sujet, ne manquez pas le témoignage de Nicolas Bazin un peu plus bas 👇 

131 mètres séparent les deux puits, ce qui en fait un forage relativement long pour un diamètre de 800 mm intérieur (960 mm extérieur), surtout sans station intermédiaire de poussée. 

4 aout 2021 : descente du microtunnelier SONIA dans le puit de départ du chantier de dévoiement d’assainissement à Massy (91). 

🔎 La technique sans tranchée du microtunnelier

Les microtunneliers sont des machines qui s’apparentent aux tunneliers de grand diamètre, mais qui ont la particularité d’être miniaturisés et surtout téléguidés, c’est-à-dire fonctionnant sans intervention humaine à l’intérieur de la machine. Les machines travaillent selon une trajectoire linéaire, à des profondeurs variables de quelques mètres à quelques dizaines de mètres, et sur des longueurs de quelques centaines de mètres.

La mise en œuvre d’un microtunnelage

s’opère via deux puits creusés depuis la surface jusqu’à la profondeur du projet, le puit de départ permettant de foncer la machine et son train de tuyaux dans le terrain, le puit d’arrivée de récupérer la machine à la sortie. Les raccordements aux canalisations en amont et en aval sont généralement opérés par tranchée

Le guidage du microtunnelier

est opéré par laser, avec retour d’information au pilote par câblage. En clair, un laser est positionné de manière fixe dans le puit d’entrée. Il vise en permanence une cible installée à l’arrière du tunnelier. Dans sa cabine, le pilote reçoit le retour d’informations. En tête de forage, des patins horizontaux et verticaux prennent appui sur les parois pour orienter la roue de coupe des quelques degrés dont le pilote a besoin.

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MÈTRES CREUSÉS SANS TRANCHÉE
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PHASES DISTINCTES DE TRAVAUX
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MOIS DE CHANTIER GLOBAL
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INTERRUPTION DE SERVICE

8 SEPTEMBRE : LA SURPRISE

Le pilote du microtunnelier tombe sur un os 🦴

En tout cas, Rachid Benhaddou, aux commandes ce jour là, tombe sur un obstacle suffisamment solide pour bloquer la tête de forage.

Dès que nous essayons de faire tourner la tête, le microtunnelier prend du roulis et se renverse sur le côté.

La nature de l’obstacle ? Impossible à dire pour le moment. Tout ce que l’équipe Eiffage comprend, c’est que c’est gros, c’est solide et ça ne figure sur aucun relevé topographique.

Tant qu’aucun déchet spécifique n’arrivait dans le dessableur, on ne savait pas ce qui bloquait. C’est en voyant surgir de la ferraille que l’on a compris que c’était un obstacle métallique. Ce qui n’était clairement pas une bonne nouvelle.

Philippe Duneme, Chef de chantier Eiffage Génie Civil

Obstruction > Résolution(s) > Conclusion : explications et témoignages par ceux qui ont vécu – et vaincu – ce moment délicat.

Les équipes vont alors expertiser la ferraille retrouvée dans le dessableur : vient-elle de l’obstacle rencontré ou du microtunnelier ?
C’est bien l’obstacle. Ce dernier est donc de nature métallique.

Le pilote va tenter de passer l’obstacle, tout en essayant de conserver la trajectoire. Mais rien n’y fait : le tunnelier glisse, dérape de son axe. Impossible de le maintenir droit, l’obstacle est trop solide.

Rapidement, l’ensemble de l’équipe se rend compte de l’ampleur du problème et le chef de chantier Philippe Duneme stoppe le chantier.
Une communication franche et directe avec les maitres d’œuvre et d’ouvrage doit être envisagée de toute urgence.

Objectif : annoncer la difficulté de faire face à l’obstacle et envisager toutes les options pour la poursuite du chantier. Y compris l’arrêt du forage avec le microtunnelier.

Les solutions envisagées

Sur ce chantier, contourner l’obstacle n’est pas une option compte tenue de la canalisation à poser : l’obstacle serait franchi, mais le conduit ne serait plus exploitable. Les entreprises présentent alors 3 options à la maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage.

OPTION 1️⃣ Créer un puit intermédiaire pour aller observer puis supprimer l’obstacle, et relancer le forage.

OPTION 2️⃣ Créer un puit intermédiaire et terminer le chantier à ciel ouvert.

OPTION 3️⃣ Poursuivre le forage en essayant de forcer l’obstacle, au risque d’avoir de la casse.

La résolution du problème

L’obstacle étant situé en plein milieu des voies de circulation, les options 1 et 2 entraineront de grosses difficultés de mise en œuvre, et probablement un certain écart au cahier des charges : la circulation devra probablement être coupée. Après concertation et en se basant sur l’expérience des équipes Eiffage Génie Civil, c’est l’option 3 qui sera retenue, après avoir envoyé un technicien dans la canalisation pour effectuer un diagnostic. Et avec une ligne directrice claire : on essaie de passer l’obstacle tant que l’on conserve le tunnelier dans la bonne trajectoire.

Une option pas si simple dans la pratique, tant le roulis s’avère important. Puis la casse s’invite dans la partie : les dents de la tête de forage tombent les unes après les autres, certains flexibles sont arrachés, la cible de guidage attachée à l’arrière du tunnelier se détache. La difficulté s’accentue, le pilote avance désormais à l’aveugle.

Forer et diriger un tunnelier à qui il manque des dents, c’est un peu comme rouler avec un pneu lisse. Rien n’accroche, rendant très compliqué de tourner dans l’autre sens pour remettre le tunnelier dans l’axe.

Le rythme d’avancée est extrêmement ralenti durant quelques jours.

Il est impératif de garder son calme et de se montrer patient : dans ces moments, on peut n’avoir avancé que de 5 ou 10 cm en 8 heures !

Christophe Lebihan, Pilote microtunnelier Eiffage Génie Civil

Les équipes tiennent bon. Le tunnelier aussi.

Patience et détermination vont s’avérer gagnant. L’équipe travaille d’arrache pied pour réparer au fur à mesure tout ce qui doit (et peut) l’être, et pour conserver le l’axe de forage avec un tunnelier désaxé.

Nous terminerons les 30 derniers mètres avec un tunnelier pas dans le bon sens !

Enfin, l’obstacle est franchi. Ce sera le seul. Les 30 derniers mètres seront délicats, mais la cadence repart à la hausse. Centimètre par centimètre, tronçon de canalisation par tronçon, le puit de sortie approche. Une cible est réinstallée à l’arrière de la machine, la précision de guidage redevient quasi normale. Les derniers mètres sont avalés sans nouvelle difficulté.

On avait à faire à des professionnels du microtunnelier et, à l’arrivée, la tête de forage a percé à 2 centimètres près à l’endroit exact où elle devait apparaître !

Sandra Lamponi, Communauté d’agglomération Paris Saclay

« Persévérance, dialogue et confiance. C’est ce qui nous a permis d’arriver à bon port »

Jean Aubert, Conducteur de travaux Eiffage 

En synthèse, voici les 3 points qui auront permis de surmonter le problème

  1. Dialoguer, se concerter, se faire confiance et acter ensemble une direction.
  2. Envoyer quelqu’un dans la canalisation pour effectuer un diagnostic.
  3. Se montrer déterminé mais garder tout son calme.

CE QU’ILS EN DISENT

« La bonne entente entre les différents acteurs : assurément une des clés du succès »

On a la chance d’avoir une très bonne ambiance sur le chantier : ça aide beaucoup à résoudre les problèmes et à partager une volonté commune d’avancer.

Jean Aubert, Chef de chantier Eiffage Génie Civil

« Un travail d’équipe, sinon rien »

Ce n’est jamais le chef qui analyse seul la situation : il prend la décision finale, mais l’analyse et la concertation sont collectives.

Philippe Dunesme, Chef de chantier Eiffage Génie Civil

«Le microtunnelier : au-delà de nos attentes »

Alors que l’on avait tablé sur 3m/jr, le microtunnelier a finalement progressé de 6m/jr en moyenne, malgré le fort ralentissement dû à l’obstacle métallique rencontré. Le choix de cette technique sans tranchée s’est donc révélée très avantageuse pour le respect du délai.

Sandra Lamponi, Communauté d’agglomération Paris Saclay

«Un métier passion »

Ce métier m’apporte beaucoup de plaisirs : piloter, mais côtoyer une équipe et des gars agréable, voyager, car on fait beaucoup de déplacements.

Christophe Lebihan, Pilote de microtunnelier - Eiffage Génie Civil

« Prévoir l’inattendu, s’attendre à l’imprévisible  »

On ne sait jamais ce qu’on va rencontrer dans le milieu souterrain : il faut toujours s’attendre à trouver quelque chose qui n’était pas prévu, même si l’on dispose de tous les relevés.

André Touchard, SEGIC Ingénierie

« Un excellent souvenir en perspective »

C’est la première fois que je gère un chantier avec un microtunnelier, j’en garderai un très bon souvenir – d’autant plus qu’il a été baptisé de mon prénom – ainsi que de la collaboration avec les trois entreprises du groupement.

Sonia Anabi, Segic Ingénierie

GALERIE PHOTOS

« Galerie #1 : création des puits en pieux sécants  »

Par Atlas Fondations.

« Galerie #2 : descente du microtunnelier en puit d’entrée »

Par Eiffage Génie Civil Travaux Spéciaux.

« Galerie #3 : microtunnelage »

Par Eiffage Génie Civil Travaux Spéciaux.

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